Montessori et Gardner: Une approche scientifique des potentiels humains
Au fil de mon cheminement j’ai
rencontré des enfants vraiment différents. Je me souviens d’un
grand nombre d’entre eux car le déploiement de leurs capacités en situation polarise mon regard.
Il y a Edouard qui sait reconnaître n’importe quelle note jouée sur un
instrument; Sophie qui écrit des mini-romans à l’âge de 11 ans; Thomas
qui dessine naturellement des objets en 3D; Pierre
qui résout les équations mathématiques avec une facilité déconcertante;
Elodie qui escalade les parois avec une grande précision; Alizée qui dès
son plus jeune âge exprime ses émotions en les nommant avec nuance;
Marc qui mobilise autour de lui à chaque colonie de vacances pour
impliquer le plus de monde dans les diverses activités; Juliette qui
collectionne les trouvailles lors de ses promenades dans la nature tout
en observant patiemment ce qui s’y passe; Mathieu qui enchaîne les
expériences scientifiques et qui développe des applications concrètes;
Grégoire qui bien que peu enclin aux mathématiques réussit aux jeux
de stratégies….
enfants, finalement, c’est un peu de chacun d’entre nous…qui aimerait
pouvoir se développer selon ses formes d’intelligence naturelles: pour croître sans forcer. Face à l’apprentissage normé qui risque toujours de ne pas suffisamment tenir compte de la diversité humaine, les travaux de Howard Gardner sont venus comme désenliser la
question pédagogique d’une approche psychométrique qui propose un étalonnage « unique et universel des facultés mentales » (Gardner, 2004, p.27).
a ainsi mené des travaux scientifiques de fonds pour mieux rendre compte de la complexité de l’intelligence humaine. Lui-même a pris une
certaine distance avec le concept d’intelligence qui dans notre culture
peine à rendre compte de cette diversité des modes opératoires naturels
observables. « Nous l’utilisons si souvent que nous sommes venus à
croire en son existence. Nous pensons que c’est une entité
authentiquement mesurable, tangible et pas seulement un moyen commode de
désigner certains phénomènes » (Gardner,1997, p.18).
Par son travail présenté au grand
public à travers son ouvrage « Les intelligences multiples« , Gardner défend et
argumente l’idée que l’observation des capacités humaines en action
montre qu’il existe plusieurs formes d’intelligence relativement
indépendantes les unes des autres. Aussi nous propose-t-il d’appréhender
l’intelligence d’une façon beaucoup plus large et opératoire qui se
manifeste selon lui de huit façons différentes que l’on peut reconnaître
grâce aux traces laissées par leurs opérations clés. Dans chaque cas,
la forme d’intelligence correspond ainsi à « une capacité à résoudre des
problèmes ou à produire des biens, de différentes natures et au sens
large, ayant une valeur dans un contexte culturel ou collectif précis »(Gardner, 1997, p.407).
différentes disciplines telles que l’anthropologie, la psychologie, la
biologie ou encore la psychométrie pour pouvoir valider une forme
d’intelligence (1997, p.315 à 317):
forme d’intelligence est ainsi repérable grâce aux capacités clés
dont on peut observer la mobilisation dans une situation. Ainsi, par
exemple la capacité à ordonner les mots relève de l’intelligence
linguistique alors que la faculté de manier des chaînes de raisonnement
peut attester la mobilisation de l’intelligence logico-mathématique.
D’autres chercheurs ont poursuivi les recherches
de Gardner. Ainsi, Yves Richez a identifié deux autres formes d’intelligence que sont la Scientifique et l’Extrapersonnelle.
Selon Howard Gardner (1997, p.18):
Ainsi, sa vision du potentiel humain se résume de la façon suivante: « l’essence de la théorie des intelligences multiples est le respect des nombreuses différences parmi les individus, les innombrables variations dans leur manière d’apprendre, les différents modes par lesquels ils peuvent être évalués, et les manière presque infinie par lesquelles ils peuvent laisser une trace dans le monde ».
d’un demi-siècle avant Gardner, Maria Montessori partage la même vision du potentiel humain et développe une
approche pédagogique de nature scientifique fondée sur l’observation des
enfants. Elle réalise alors que chaque enfant développe un grand nombre de capacités et qu’un environnement adapté
peut permettre de les développer. Alors qu’elle ne bénéficiait pas des
travaux de Gardner, elle a fait cependant un travail remarquable en
développant ses fameux matériels qui permettent en réalité de mobiliser
toutes les formes d’intelligences. En observant les enfants, en
développant sa méthode scientifique et en créant ses matériels pédagogiques,
Maria Montessori semble avoir intuitivement touché du « regard » les
formes d’intelligence identifiées par Gardner dont l’environnement
adapté va permettre la mobilisation et le développement.
Les activités
pédagogiques qu’elle a développées pour les enfants mobilisent en effet
les opérations clés des formes d’intelligences décrites par Gardner
en activant souvent même leurs combinaisons. Ainsi une activité
mathématique peut mobiliser par le matériel qu’elle propose à la fois
les facultés spatiales, linguistiques, kinesthésiques, interpersonnelles,
naturalistes et logico-mathématiques. Chaque enfant est donc en mesure
d’approcher l’activité selon la forme d’intelligence qui lui est la plus
naturelle tout en développant progressivement celles qui le lui sont le
moins.
Bibliographie:
MONTESSORI M., Eduquer le potentiel humain, Desclée de Brouwer, 2003.