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« Oui ! Mais dans votre pédagogie du 3ème type… », « Comment dans vos méthodes… ? », « Qu’est-ce qui différencie les pédagogies Montessori et Freinet de la pédagogie… d’une école du 3ème type ? » etc. !

Les questions reviennent immanquablement dans les discussions avec parents et enseignants. Je me rends bien compte que ma réponse « il n’y a plus de pédagogie ! » laisse chaque fois mes interlocuteurs perplexes. J’ai eu beau réitérer des centaines de fois que l’expression « une école du 3ème type » était née simplement de la réflexion d’un journaliste « vous êtes sur une autre planète !» et l’analogie avec « Rencontres du 3ème type » de Spielberg, on cherche toujours le modèle qui pourrait être appliqué. Dès l’instant où, dans une école rien ne se passe comme dans les autres, je dis que c’est une « école du 3ème type »… et il y en a de plus en plus et de toute sorte, peu importe leurs appellations.

Bien sûr, celles qui ont nourri mes réflexions a posteriori sont les quelques classes uniques de l’école publique où toutes les références et contraintes habituelles avaient été balayées. Dans les processus qui les ont conduites à cet état, dans les échanges quotidiens qu’il y a eu entre elles au cours de ces processus, des convergences ont été constatées et des structures dissipatives similaires ont été mises en place parce qu’elles s’avéraient efficientes.

Bien sûr notre base de départ a été la pédagogie Freinet qui permettait que commence à s’instaurer ce que j’appelle une autre culture, d’autres comportements, y compris de l’enseignant et des parents. Mais une fois que toutes les contraintes sécuritaires, croyances à propos des apprentissages… ont été peu à peu éliminées, lorsqu’on n’a même plus besoin de parler d’apprentissages, c’est l’entité vivante qui s’est constituée qui devient par elle-même éducative. Ce n’est pas la pédagogie d’une personne qui le permet, ce serait plutôt une ingénierie des systèmes vivants (ici et ).

Qu’est-ce que la pédagogie ? Wiki nous dit « Le terme rassemble les méthodes et pratiques d'enseignement requises pour transmettre des compétences, c'est-à-dire un savoir (connaissances), un savoir-faire (capacités) ou un savoir-être (attitudes). » C’est donc bien un ensemble conceptuel, pensé à l’avance, puis conduit par une personne pour transmettre ce qu’elle doit transmettre. Lorsque nous arrivons à une école du 3ème type, la situation de l’enseignant qui n’est plus enseignant (facilitateur, éducateur, animateur…) n’est plus celle d’enseigner, de transmettre. Nous ne sommes plus dans la pédagogie ! Bien sûr qu’il a un rôle important, celui de piloter l’évolution vers un système vivant et de veiller à ce qu’il le reste, d’aider quand il y en a besoin ou qu’il est sollicité, de proposer, de suggérer,…. Peut-être parfois de s’opposer…

Je suis toujours embarrassé quand on me demande, et c’est fréquent, « Si un enfant fait ceci ou cela, s’il se passe ceci ou cela, si untel est ceci ou cela, s’il fait toujours la même chose…. Vous faites quoi ? » Je ne sais pas ce que je ferais dans telle ou telle circonstance, avec tel ou tel enfant, aucune pédagogie ne peut l’indiquer, il n’y a pas de règle qu’il suffirait de suivre. On sait juste ce qui importe : que l’enfant retrouve son état sécure, que l’ensemble reste dans un état sécure, que l’activité de chacun puisse continuer parmi les autres. Et très souvent on se trompe dans l’action qu’on engage vis-à-vis d’un enfant ou du groupe d’enfants. Il suffit de s’en apercevoir très vite, de ne pas persévérer au nom d’un quelconque principe et d’entreprendre autre chose : c’est le tâtonnement expérimental constant dans lequel se trouve tout adulte, même parent, quand il a affaire à des enfants (j’oserais même dire entre adultes !). Mais ce tâtonnement expérimental, qui est pourtant l’essence même de tout ce qui vit, inquiète quand il plonge dans l’incertitude, quand on n’a plus l’assurance de ce qui va se passer… assurance qu’on n’a pourtant jamais, sauf que la feuille d’impôt va tomber, que la facture de l’edf va arriver… et qu’un jour on ne sera plus… malgré notre assurance-vie !

Beaucoup de parents ont l’impression d’un flou dans le déroulement d’une journée, il est vrai que dans nos propres vies nous ne faisons pas n’importe quoi n’importe quand. Apparemment il n’est pas facile de repérer ce qui structure le temps, l’activité, le rythme… Pourtant dans les écoles qui me servent de référence nous avions tous ce moment structurant qui était la réunion. Dernièrement une maman qui avait été enfant dans une école Steiner où elle avait été heureuse me demandait « Mais qu’est-ce qui structure le rythme de la journée, l’équilibre entre tête, cœur, mains (cher à Steiner) ». J’avais du mal à comprendre. Elle m’expliqua que dans les écoles Steiner par exemple toutes les journées débutaient par un chant collectif, que cela faisait partie du cœur. Elle parlait de rituels institués dans une des trois finalités éducatives de Steiner. Je ne sais pas tous les rituels qui peuvent être institués dans les écoles du 3ème type, mais si on fait débuter la journée en chantant ensemble (ce que font beaucoup d’écoles maternelles même classiques) et que tout le monde se trouve bien dans ce moment, pourquoi pas. Chez nous la réunion était bien devenu un rituel quand il n’y a plus eu besoin de l’imposer. Mais d’autres rituels s’instauraient, propres à chacun ou à plusieurs (les petits qui commençaient toujours leur journée en se resserrant autour d’une table pour se raconter alors que personne ne les y avait obligés, deux grands qui allaient d’abord se promener dans le jardin, une autre qui devait d’abord écouter de la musique…) Dans chaque classe unique il y avait d’autres rituels qui s’étaient établis, dans chacune c’était différent. Les rituels sont importants dans toute société, souvent stabilisateurs, ils confortent le lien, font appartenir, mais ils sont propres à chaque groupe social. Mais attention : les rituels institués peuvent aussi servir à l’endoctrinement, surtout quand ils sont imposés. Toutes les religions ou sectes le savent. N’importe quelle pédagogie peut être utilisée à des fins peu recommandables, par définition la pédagogie doit amener ceux sur lesquels on l’exerce là où on veut les emmener. Il n’y a pas besoin de séparer affect, corporel et intellectuel qui se trouvent et interfèrent dans l’origine et le déroulement de n’importe quelle activité et la communication est ce qui fait d’individus un groupe, une entité. Mais cette entité ne doit pas non plus devenir dictatoriale ou totalitaire, endoctrinante par elle-même. C’est cette alchimie délicate qui a besoin d’un adulte intuitif.

Pas facile de se représenter une école du 3ème type ! Pas facile d’imaginer comment y agissent les adultes qui en ont la responsabilité quand ils n’ont pas les règles et les méthodes qu’ils doivent appliquer et qui leur disent comment ils doivent être et se comporter. Cela peut être inquiétant (d’où, pour moi, l’impérative nécessité que les parents puissent pénétrer dans l’école et discuter de ce qu’ils voient). On se demande « Quelle est leur autorité ? » qui va rassurer. Mais les enfants ne sont pas comme des machines à laver où il suffit de connaître et d’appuyer sur les bons boutons pour que le linge ressorte propre ! Nous sommes dans la complexité du vivant et de ce qui l’entoure.

J’ai envie de conclure à propos de l'autorité par ce commentaire que j’ai fait dans une discussion du groupe EUDEC de facebook :

Sous l’arbre à palabres, dans le cercle où on se passait le calumet, il y avait les vieux et tous les autres. Les vieux souvent assis contre le tronc, pour leur vieux dos ! Même différence d’âge que dans vos écoles entre vous, les enfants et les ados, voire les jeunes adultes. Les vieux « faisaient autorité ». Pas parce que les autres faisaient ce qu’ils disaient, ils le faisaient d’ailleurs rarement, mais parce qu’ils étaient toujours écoutés (ÉCOUTÉS) avec attention. Ils étaient le recours. LE RECOURS ! Les décisions appartenaient aux autres, mais elles étaient éclairées.

Responsables d’écoles, devenez-en les vieux !!!! Récemment dans une école où j’étais invité, une enfant me demanda « T’es qui toi ? » je lui répondis « Je suis un vieux bonhomme qui… » Elle fronça ses sourcils, regarda l’enseignante à côté, et dit « Ah ! Oui ! T’es plus vieux qu’elle ! »