Idées reçues sur les écoles Montessori : ce qui est vrai, ce qui est faux
Idées reçues sur les écoles Montessori : ce qui est vrai, ce qui est faux
Le HuffPost
Publication: 28/08/2016 08h43 CEST Mis à jour: 28/08/2016 09h05 CEST
RENTRÉE - Les fondateurs de Google y ont suivi leur scolarité, tout comme ceux d'Amazon et de Wikipédia. En janvier 2016, le Prince George a fait sa rentrée dans un jardin d'enfants Montessori. En France, l'intérêt pour cette pédagogie mise au point par une pédiatre italienne au début du XXe siècle connaît un regain d'intérêt depuis quelques années. Dans les magasins comme Nature et Découvertes, de plus en plus de jouets se voient accolés le label "Montessori" comme argument de vente.
Pour autant, beaucoup d'idées reçues courent sur les écoles Montessori et sur cette pédagogie qui laisse l'enfant apprendre à son rythme. Le HuffPost C'est la vie a interrogé des spécialistes des sciences de l'éducation et des éducateurs Montessori pour faire le point à quelques jours de la rentrée.
Il s'agit d'une offre éducative réservée à une élite: VRAI (pour l'instant)
Les écoles qui pratiquent la pédagogie Montessori sont généralement privées hors contrat. Un millier d'établissements en France bénéficient de ce régime, cela ne concerne pas seulement les pédagogies alternatives comme Freinet ou Montessori mais également 300 écoles confessionnelles, de même que les parents faisant l'école à la maison à quelque 25.000 jeunes.
Les établissements privés hors contrat ne reçoivent pas de subvention. Il faut donc parfois débourser jusqu'à plusieurs milliers d'euros par an sans compter la cantine pour payer la scolarité de son enfant. Quelques écoles tentent de proposer des tarifs moindres aux familles les plus modestes qui veulent y inscrire leurs enfants. En France, quelques écoles Montessori sont sous contrat, comme à Roubaix, Rennes et Latresne. Subventionnées, elles proposent donc des frais d'inscription moindres.
Mais les choses commencent à changer. De plus en plus d’enseignants du premier degré tentent de mettre en place à leur échelle des ateliers Montessori dans leurs classes. L’association “Public Montessori” tente d’accompagner certains des enseignants du public qui en font la demande en prêtant du matériel par exemple.
Les écoles Montessori, c'est un truc de bobos parisiens: FAUX
Selon une carte réalisée par l'association "Écoles Montessori France", voici comment se répartissent la majorité des écoles pratiquant la pédagogie de Maria Montessori dans l'Hexagone. L'offre est en effet très importante à Paris mais également dans le Sud Est de la France.
Pour expliquer l’intérêt grandissant pour ce type d’écoles, la sociologue et professeure des universités en sciences de l'éducation, Françoise Lantheaume, voit entre autres deux éléments de réponse, l’évitement social et le rejet d’un système scolaire. “Certaines parents qui habitent dans les quartiers populaires voient dans ces écoles une façon d’échapper aux établissements publics qu’ils jugent trop homogènes. Par ailleurs, la maternelle ressemble de plus en plus au primaire, certains parents ne veulent pas que leurs enfants entrent aussi jeunes dans le système scolaire et ses exigences”.
Pour ce qui est de la présence de ces écoles à la campagne, cela répond à une autre problématique. "En France, à la campagne, il y a peu d'écoles maternelles, explique encore Françoise Lantheaume. Les écoles Montessori qui s'y implantent répondent aussi à cette problématique".
À ce jour, aucune étude sociologique de grande ampleur sur les parents qui inscrivent leurs enfants dans les écoles Montessori n’a encore été menée.
Il s'agit de laisser les enfants faire tout ce qu'ils veulent: FAUX
C'est certainement le préjugé le plus répandu concernant le fonctionnement des écoles Montessori, c'est aussi le plus éloigné de la réalité lorsque cette pédagogie est bien comprise par les éducateurs.
“Il existe une forte exigence dans les écoles Montessori, assure Sylvie d’Esclaibes, fondatrice et directrice d'un groupe scolaire Montessori qui accueille les enfants de la maternelle au lycée à Bailly près de Versailles. L’enfant choisit son activité, son matériel. Il doit ensuite le ranger. C’est une vraie liberté certes, mais dans un cadre”. Cette directrice d’école depuis 1992 explique comment se déroule l’apprentissage des multiples règles qui régissent la classe Montessori: “Au début de l’année, on commence par des exercices préliminaires. On travaille beaucoup sur le comportement. Il n’y a dans la classe qu’un seul matériel par activité pour tous les enfants d'une même classe, ils doivent donc apprendre la patience. Pour que les règles soient bien comprises, on compte aussi sur les deux tiers des enfants plus âgés. Ceux-ci sont dans cette classe depuis un ou deux ans, ils vont guider les plus jeunes".
Céline Alvarez a enseigné pendant trois ans dans une maternelle publique de Gennevilliers dans le cadre d’un projet avec le ministère de l’Éducation Nationale. Elle y a appliqué la pédagogie de Maria Montessori. Dans un livre publié en août 2016, elle raconte cette expérience. Fatiguée d'entendre ce préjugé, elle y répond dans son livre: "Les enfants ne faisaient pas n'importe quoi n'importe comment. Au contraire. La liberté accompagnée que nous leur offrions dans un cadre structuré aux règles clairement explicitées leur assurait la sécurité, la liberté et l'ordre nécessaires pour progressivement se reconnecter à leur élans de vie profonds. Lorsque les enfants retrouvaient cette posture naturelle émergeait alors une harmonie collective: chacun était à sa place et de l'épanouissement de chaque individualité se dessinait une communauté centrée riche et étonnamment ordonnée. Chacun trouvait naturellement sa place dans le groupe auquel il apportait harmonieusement sa couleur et son unicité."
Les écoles Montessori ne suivent aucun programme scolaire: VRAI et FAUX
Pour Sylvie D’Esclaibes, c’est là le critère sur lequel les parents doivent s’appuyer pour choisir ou non de mettre leur enfant dans une école Montessori. “Je respecte les programmes de l’Éducation nationale, assène-t-elle. Il est tout à fait possible de concilier ces programmes et la pédagogie Montessori. Tous les parents devraient poser la question au moment du choix de l'école. C'est un vrai problème.”
Les écoles sous contrat avec l’État sont obligées de suivre scrupuleusement les programmes scolaires, celles dites “hors contrat” sont plus libres. Pour les examens comme le brevet et le bac, les candidats sont présentés en candidats libres. Cependant, contrat ou non, toutes les écoles en France ont pour but l’acquisition d’un “socle commun” de connaissances et compétences suivant des cycles de trois ans de 7ans à 16ans: CP/CE1/CE2, CM1/CM2/6e, 5e/4e/3e. Les inspections de l’éducation nationale sont là pour le vérifier.
“Si les programmes officiels sont respectés dans ce type d’école, c’est en fait la manière de les traiter qui diffère”, explique Nicolas Go, docteur en philosophie et maître de conférences en sciences de l'éducation à Rennes 2. Charlotte Poussin, auteure de nombreux livres sur Montessori et membre du conseil d'administration de l'association Montessori de France confirme, “Nous ne les suivons pas forcément à la lettre mais nous respectons les cycles de trois ans. La plupart des éducateurs Montessori produisent aussi des bulletins d’appréciations pour que les enseignants non Montessori puissent comprendre la progression et le niveau de l’enfant.”
L'arrivée dans un collège/lycée non montessori est très difficile pour l'enfant: FAUX
Dans le Nord de la France, un sociologue, Yves Reuter s’est intéressé à une école qui enseigne suivant la pédagogie Freinet. “L’adaptation s’est très bien passée pour les élèves qui sont allés dans le public par la suite”, assure Françoise Carraud, maître de conférences en sciences de l'éducation à Lyon 2 qui a suivi de près le travail de son confrère et a pu visiter l’établissement en question.
“La pédagogie Montessori développe l’autonomie et la confiance en soi, assure de son côté Sylvie d'Esclaibes. Ainsi, les enfants qui sont passés par là peuvent en général s’adapter à n’importe quelle situation.” Un optimisme que Nicolas Go modère cependant: “ils peuvent souffrir de la situation, de la passivité d’une classe traditionnelle, mais ils n’échouent pas.”
Cette pédagogie s'adresse aux enfants avec des problèmes de concentration, souffrant des troubles du spectre autistique, des enfants qui ne peuvent pas aller dans les écoles conventionnées: FAUX
Au départ, Maria Montessori, pédiatre italienne (1870-1952) a travaillé au contact d’enfants pauvres d’un quartier de Rome et d’enfants handicapés en milieu hospitalier. Aujourd'hui, les écoles Montessori accueillent tous les enfants. “En s’intéressant à ces enfants qui étaient à la marge de la société et en voyant les progrès qu’ils pouvaient faire grâce à sa pédagogie, explique Nicolas Go, Maria Montessori a compris que cette pédagogie pouvait être en fait appliquée à tous les enfants.”
Les besoins et le rythme de l'enfant sont mieux respectés: VRAI
Dans une classe Montessori, les enfants circulent librement. Ils peuvent aller aux toilettes sans demander la permission, changer d'activité quand ils le souhaitent. Au cours de la journée, l'éducateur passe voir chaque enfant pour proposer de leur faire la démonstration de nouvelles activités qu'ils ne connaissent pas encore. Ensuite, libre à eux de la reproduire seul autant de fois qu'ils le veulent ou de retourner à une autre activité. Un enfant peut aussi passer du temps à regarder les autres ou à réfléchir à ce qu'il veut faire. “Chaque enfant est invité à faire des découvertes à son rythme, assure Nicolas Go. Montessori prend en compte le fait que les enfants ont des périodes sensibles où ils ont soif d’apprendre et d’autres temps pendant lesquels ils seront plus calmes."
Mais en respectant ce rythme individuel, peut-on arriver à une cohésion de groupe, à une ambiance de classe? Certes, les enfants s'entraident mais ils font aussi beaucoup seuls."Dans une classe Montessori, les enfants sont vus comme une collection d’individus et non comme un groupe, déplore ainsi Françoise Carraud. Or, l’école est dans le collectif, un collectif dans lequel l’individu doit se mouler. Certes, on arrive au bout de la pédagogie telle qu’elle est le plus souvent pratiquée dans le public mais je pense que Maria Montessori doit se retourner dans sa tombe lorsqu’elle voit ce qu’il se passe dans certaines écoles. Les valeurs mises en avant dans ces écoles: le développement de soi, l’originalité, la créativité me semblent être en adéquation avec notre développement économique, ce sont les mêmes valeurs que celles mises en avant dans l’entreprise".
Les enfants qui ont fait Montessori réussissent mieux dans la vie/sont plus épanouis/plus indépendants: FAUX
"Les enfants sont plus heureux mais il faut rester très prudent sur le reste de la trajectoire, concède Nicolas Go. Il y a beaucoup d’autres facteurs qui entrent en compte pour la suite. Le choix de l’école seul ne guide pas tout." Françoise Carraud est plus directe, "ni Montessori, ni aucune autre pédagogie ne peut se targuer de développer la créativité chez quelqu’un", assure-t-elle.
C’est un truc de soixante-huitard qui ruine l’autorité parentale: FAUX
Les parents qui font ce choix se sont généralement renseignés sur la pédagogie qui y est enseignée. "Les parents dont l’enfant va dans une école Montessori doivent être dans la même démarche que l’école, explique Sylvie d'Esclaibes. C’est un vrai choix de vie". Mais, c'est vrai, la relation adulte/enfant peut être différente de l'image traditionnelle. "L'éducateur Montessori ne se sent pas supérieur par rapport à l'enfant et doit accorder un vrai temps d'échange avec les parents", assure Charlotte Poussin.
Selon Nicolas Go, cette pédagogie ébranle l'image que nous avons de l'autorité. "Si l’autorité parentale est un autoritarisme qui consiste à se faire obéir au doigt et à l’œil, alors Montessori le ruine et c'est tant mieux! Mais sinon, ça ne ruine rien du tout. L’enfant respecte les règles, les autres enfants et l’éducateur. Cette dernière personne comme ses parents contribuent à son bien-être, à son épanouissement, à son accès à l’autonomie, c'est pour ces raisons qu'il les respecte".
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